Texte : Parole d'arbre - Ecole de la Loire de Blois

Quelle journée enchanteresse, dit l’arbre en contemplant le ciel.
L’air printanier va me faire du bien et éclore mes bourgeons.
Mes fleurs ne tarderont pas à attirer les essaims d’abeilles.

Quand les abeilles mettront leur butin dans la ruche,
auront-elles des égards pour mon tendre nectar ?
Quand les hommes se régaleront de miel,
penseront-ils à moi comme je me soucie d’eux ?

J’entends les oiseaux. Ils volent et me contemplent.
Ils savent qu’ici est le bonheur.
Ils vont tisser leurs nids de brindilles craquantes
entre mes branches inclinées pour mieux les accueillir.
Ils y cacheront leurs rendez-vous galants
et me confieront les oisillons nouveau-nés.

Mais savent-ils, les oisillons, que mes bruissements
leur enseigne l’histoire de la vie ?
Et lorsqu'ils iront pépier sur les toits des maisons,
leurs enfants entendront-ils mon hymne dans leur jeune gazouillis ?

L’été sec et chaud viendra ensuite et je me ferai protecteur.
Sous mon arbre cordial viendront s’ébattre les lapins et aussi les amoureux.
Ils prononceront les yeux mi-clos des serments que je leur inspirerai.

Les lapins diront-ils comme ils préfèrent mon ombrage généreux
aux fourrés touffus d’épines ?
Savent-ils, les couples enlacés, que leurs mots deviennent plus profonds
lorsque mes murmures font écho à leurs sens ?

Puis ils reviendront tous, les hommes et les bêtes,
à la saison des récoltes,
croquer dans les bienfaits que j’aurai mûris pour eux.

Goûteront-ils tout l’amour que j’ai mis
dans le jus et la chair de mes fruits ?
Auront-ils foi en mon inébranlable fidélité
qui veillera sur eux encore l’an prochain ?

Les abeilles, les oiseaux, les lapins, les hommes,
négligeront sans doute de me remercier.
Comme chaque année ils m’abandonneront, solitaire, aux frimas de l’hiver.
J’entrerai alors en léthargie, ressassant, mes tristesses en vagues d’amertume.
Mais dès que s’allongeront les rayons du soleil,
dès que je sentirai la tiédeur de la terre monter à mes racines,
je reprendrai goût à mon existence d’arbre.

Car voyez-vous je ne peux, en dépit des humeurs,
que chérir passionnément ma vie.
Je l’aime pour ses multiples joies et le bonheur sincère de me savoir utile.
Il me faut accepter ses détresses, bien que je rechigne à traverser leur ombre.
Car même s’il m’arrive parfois de l’oublier, c’est moi qui ai choisi de vivre cette vie.



Commentaires