Texte : Les maux - Maurice Zundel


Une part énorme des maux qui nous accablent
sont d'origine humaine et proviennent de la coexistence
qui nous agglomère les uns aux autres
dans une solidarité biologique qui suscite
plus de rivalités nocives que de saines émulations,
depuis la famille jusqu'aux grands blocs planétaires,
à travers toutes les compétitions de la chair et de l'argent,
des ethnies et des races, des régimes politiques et des religions.

Quand toutes les bêtes féroces se seraient liguées
pour nous anéantir, elles n'auraient jamais pu accumuler les ruines,
inventer les tortures, susciter les désespoirs que la haine
et le mépris de l'homme pour l'homme
n'ont pas cessé de provoquer.

Tous les dérèglements du sadisme,
tous les raffinements de la cruauté,
toute la violence calculée des génocides,
tous les avilissements de l'esclavage,
tous les trafics et toutes les dégradations
de la prostitution ou de la drogue,
toutes les ruses et toutes les trahisons
de la parole la plus solennellement donnée,
constituent une fresque démentielle
qui ferait croire à un goût du mal, inoculé à notre espèce,
pour qu'elle porte à l'infini la volupté de faire souffrir,
de détruire et de bafouer.

La situation n'est cependant pas tout à fait désespérée,
puisque nous sommes capables de reconnaître comme mal
tout le mal que nous sommes capables de faire.
Un redressement est toujours possible
dès lors qu'une prise de conscience réveille, sans équivoque,
le sens de nos erreurs et de nos responsabilités.
____________________________

Photo : Plage chinoise




Commentaires