Texte : Je crois rêver... - Xavier Grall

"Je crois rêver", dit-elle.
Elle est là, dans le fauteuil, près du feu.
Un peu recroquevillée, légère, fragile, presque enfantine.
Du châle de laine mauve émergent son front blanc, ses cheveux gris.
Ma mère...

"Je crois rêver", dit-elle.
Quel rêve traverse sa mémoire ?
Je soupçonne qu'elle revit les féeries de son enfance campagnarde,
qu'elle tisonne les tout premiers souvenirs de sa longue vie.
Elle me confirme, du reste, comme si nos pensées s'étaient rencontrées.
"Tu sais, ton père se serait plu ici... Il aimait vivre comme toi !"

"Je crois rêver", dit-elle.
Parfois, ses paupières retombent sur les yeux.
Elles sont diaphanes, presque transparentes,
semblant abriter sous leur écran délicat les enchantements anciens,
et elles se serrent comme pour retenir cette douce épiphanie : 
Les jours rois ! Les jours mages !... 

"Je crois rêver", dit-elle
Les chiens, Mélenn et Maël,dorment dans l'âtre, près du brasier.
Et je me sens baigner dans une paix que je n'ai pas connue depuis longtemps.
Elle est dans le fauteuil, près du feu, comme illuminée,
transfigurée par le soleil de ses meilleurs songes.

Mère et fils demeurons ainsi, économes de nos mots,
prodigues de voyance, près de la bonté de la flamme.
"Je crois rêver", dit-elle.

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