Texte : Les fleurs et le deuil - Christian Bobin

fleurs_juillet_2007_045
Quand tu es morte, je suis devenu un drogué des fleurs.
J'en mettais partout dans ma maison.
Le monde, dont ta mort m'avait détaché,
tournait lentement comme une boule noire dans le noir
mais il y avait cette insolence colorée des fleurs,
ce démenti jaune, blanc, rouge, bleu, rose
au néant monocorde...


Le poing de marbre s'est retiré de ma poitrine.
Je suis revenu au monde
comme l'enfant presse son visage contre la vitre.
Le monde n'aime pas la mort.
Il n'aime pas non plus la vie.
Le monde n'aime que le monde.
Il a donc repris toute sa place.

Presque : je n'oublie pas
ce que m'ont dit les fleurs en ton absence.
Car j'ai fini par les entendre.
La vie est à peu près cent milliards de fois
plus belle que nous l'imaginons
- ou que nous la vivons.
Je vois la vigne vierge à la fenêtre.
Des souffles colorés traversent le pré
Les fleurs sont les premières gouttes de pluie de l'éternel.
________________
- Photo "fleurs_juillet_2007_045" de Leontonton33 -

Commentaires